Contexte indigène Quechua : dans quelle philosophie se conçoit le rapport aux semences ?
Durant toute cette période d’asservissement ci-dessus développée, le peuple des Andes n’a pas cessé de croire et de pratiquer ses traditions ancestrales. Pour ce peuple racine Quechua de Chinchero et de la Vallée Sacrée de Cusco comme pour les Koggis ou même les Aymaras, la nature est une religion et l’essentiel réside dans la préservation et l’équilibre du monde au sens global. Cet équilibre repose sur un système dans lequel l’homme est un élément de ce que l’on pourrait appeler un collectif naturel (Homme + Nature + Faune + Eléments). Dans cette conception, la semence est au centre de la vie collective puisqu’elle conditionne le tout. La semence est un être vivant qui comme toute autre personne est un être sensible qui possède sa propre culture.
En ce sens, seule une approche du rapport aux semences permet une compréhension de la culture Andine dans toute sa magnitude.
Marcela Machaca, (Quechua Péruvienne) est une agronome et co-fondatrice de l’Association Bartholomé Aripaylla, dans la Communauté de Quispillacta, à Ayacucho
La semence conditionne la vie elle-même
La graine offre aux communautés humaines de jouir d’une bonne santé. Prendre soin des semences, c’est prendre soin de ce qui fournit à l’humain depuis 12 000 ans de quoi s’alimenter et de quoi alimenter ses enfants. Les graines sont les gardiennes de la préservation de l’espèce puisqu’elles nous assurent la sécurité alimentaire.
Les semences conditionnent le paysage et le biotope
Le paysage dans lequel évolue l’homme est forgé par les cycles de semences et de culture des graines. La permaculture millénaire offre un paysage panaché, ce champs en jachère repose le regards, un autre prendra une couleur sombre après brulis, celui-ci offrira un volume à l’œil car il conservera les récoltes.
Les semences impliquent le rapport au temps
Le rythme de la vie est guidé par le rythme des cultures dans l’année mais aussi dans une journée en fonction de la tâche à accomplir, de la luminosité et du cycle de la lune.
La semence au centre du rapport à l’autre
Pour les ancêtres de Cléofécélia comme pour elle-même, la graine ne s’achète pas, elle s’échange, assurant ainsi un lien humain véritable dans un intérêt partagé. Cette pratique de troc nivelle les inégalités et conforte le principe selon lequel « ce qui appartient à tout le monde n’appartient à personne ».
La semence unit au Sacré
La terre mère (Pacha Mama) nourrit la spiritualité. Dans la cosmogonie andine, c’est elle qui fertilise la semence. Elle unit le temps, l’espace, le cosmos et la terre. Elle offre d’abondantes récoltes. Tout comme un berger prend soin des animaux sur le plan matériel, sur le plan spirituel, l’Homme des Andes prend soin des divinités qui veillent sur les graines.